Gratuité de l’enseignement. Du mythe  à la réalité ?

La Libre du 4 juillet donnait la parole à Bernard DEVOS, commissaire général aux droits de l’enfant sur le thème, cent fois repris par les médias, de la gratuité de l’enseignement. Porte-parole d’une série d’associations et d’intellectuels, il rappelle que ‘l’école vraiment gratuite doit devenir une réalité’. Qui ne serait d’accord avec lui ? L’ennui avec cet appel, et bien d’autres avec lui, c’est que rappeler qu’un problème existe, ce n’est pas le résoudre et que plaider pour énième groupe de travail ne fera sans doute pas avancer le schmilblick.

Commençons par regretter que M. Devos – et ce n’est pas la première fois que je fais ce constat – stigmatise tout un système (les écoles) pour des pratiques qui certes existent, mais sont loin d’être généralisées. Il existe à cela diverses raisons qui ne sont pas évoquées dans l’article et dont la principale est celle de la différence du niveau de contrôle exercé sur ces pratiques selon les réseaux. Nous y reviendrons.

Mon deuxième regret c’est que cet appel, comme tant d’autres, pose une bonne question … mais n’apporte pas l’ombre d’une réponse.

Venons-en ensuite au cœur du débat. Et disons-le nettement, l’école gratuite cela n’existe pas !  Pour espérer des avancées, plutôt que dénoncer des pratiques parfois douteuses (et que les services compétents de la CFWB pourraient identifier et sanctionner, si la volonté et les moyens existaient), il faudrait commencer par poser les bonnes questions.

La première est donc de savoir qui va assumer les coûts de l’éducation ? Le citoyen, par le  paiement de redevances pour certains services (garderies, sorties culturelles, etc.) ou … le citoyen, par l’impôt.

La deuxième est de clarifier le concept même d’enseignement gratuit ce qui est bien plus facile à dire qu’à faire.

Pour clarifier un peu le débat, essayons d’abord de trier  les coûts. Faut-il distinguer le temps scolaire et le temps extrascolaire ? Si oui, on pourrait décider que les services extrascolaires (garderies du matin, du midi et du soir) restent à charge des familles parce que la présence des enfants n’y est pas obligatoire. Les défenseurs de la gratuité généralisée diront – comme le font Bernard Devos et la Ligue de Familles – que ces coûts participent à la discrimination. Cela n’est pas faux, mais ces frais peuvent être pris en charge par les CPAS, par exemple.

Ensuite, dans le temps scolaire, comment identifier ce qui est indissociable du projet pédagogique de l’établissement ou pas ? Vaste question.  M. DEVOS fait une analyse simpliste en affirmant – sans nuance – que ces activités visent uniquement à discriminer. C’est sans doute partiellement vrai, mais cela peut aussi – réellement – faire partie d’un projet. Dans ce cas-là, on ne peut envoyer aux oubliettes le côté mobilisateur de celui-ci ni ignorer les trésors d’imagination (soirées spaghettis, car wash improvisés, etc.)  déployés par les élèves et les écoles pour assurer un financement adéquat et solidaire.

Enfin, où  s’arrêtera-t-on ? Tous les ans, je m’insurge contre l’étude de la Ligue des Familles quand elle inclut dans les coûts de scolarité les frais de renouvellement des vêtements (sans rentrée scolaire, les petits iraient-ils tout nus) ou contre ceux qui proposent d’offrir des repas gratuits le midi (et qui n’ignorent pas, je suppose qu’il n’y a que 182 jours  d’école sans que les enfants ne mangent qu’un jour sur deux pour autant). On peut continuer et s’interroger sur d’autres sujets faut-il fournir les cahiers, les manuels, les cartables ?

Il y a dans ce discours sur la gratuité généralisée plusieurs choses qui m’énervent.

D’abord parce que – et ce paradoxe semble occulté – la gratuité complète profite aux pauvres, mais aussi … à ceux qui ont les moyens ! La maman seule, au revenu d’intégration va  sans doute en profiter, mais le couple de cadres aisés aussi. J’ai du mal à trouver cela normal.

Ensuite parce que l’appel semble ignorer que la gratuité fait déjà l’objet d’une réglementation et que des dispositifs de contrôle existent et sont mis en œuvre.

Enfin, en se gardant d’aller trop loin dans l’analyse, le texte de l’appel stigmatise tout le système éducatif en gommant les différences (objectives comme le dit la Constitution) entre les PO et les réseaux. Augmenter les redevances de garderies ne se fait pas de la même manière ici et là. Dans le libre, le conseil d’administration du PO décidera, en âme et conscience, mais sans débat public. Le Collège qui voudra faire la même chose aura des comptes à rendre au Conseil communal, interpellations de l’opposition et droit d’interpellation des citoyens à l’appui. Ce paramètre-là aussi devrait apparaître dans le débat.

Exiger la gratuité de l’enseignement est une chose. Assurer le financement de celle-ci en est une toute autre.  On est passé, en quelques semaines à la proposition d’offrir des repas gratuits aux enfants du fondamental au constat (inattendu ??) de la nécessité d’économiser 300 millions d’euros dans l’enseignement. Vérité en deçà à des élections, mensonge au delà ?

Contrairement à la vision caricaturale des signataires, il faudra une vrai réflexion, non sur la gratuité (un concept flou et peu opérationnel), mais sur une allocation équitable des coûts – inévitables – liés à l’enseignement.

Il faut absolument éviter de transposer à l’enseignement obligatoire la situation catastrophique qui prévaut aujourd’hui dans l’enseignement supérieur. Avec des minervals irréalistes (à cause de la position dogmatique de la FEF) et une enveloppe fermée, ce niveau d’enseignement est au bord de l’asphyxie et ressemble aux magasins d’état soviétiques où « rien ne coûte rien, mais où il n’y a rien ». Dans l’enseignement obligatoire, la même logique conduira aux mêmes impasses. Les élèves ne paieront pas les 50 € pour visiter ‘In Flanders’fields’, mais dépenserons, sans états d’âme 2 ou 300 € en SMS ou en chats. Le financement de l’enseignement est certes une question de choix politiques, il est, aussi, une question de priorités individuelles.

 

 

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